mardi 13 décembre 2011

JE TE SOUHAITE...


Je te souhaite d'abord que tu aimes
Et qu'en aimant, tu sois à ton tour aimé.
Et, si ce n'est pas le cas, que tu puisses vite oublier
Et qu’après avoir oublié,  tu ne gardes aucune rancune.
Je ne souhaite pas que cela en soit ainsi, mais si c’est le cas
Que tu saches « être » sans désespérer.

Je te souhaite aussi que tu aies des amis,
Et même s'ils sont mauvais et inconséquents,
Qu'ils soient vaillants et fidèles.
Et qu’entre eux, il y ait au moins un,
À qui tu puisses te confier sans crainte. 

Et parce que la vie est ainsi faite,
Je te souhaite aussi que tu aies des ennemis.
Ni trop, ni trop peu, juste la bonne mesure, pour que parfois,
Tu puisses questionner tes propres certitudes.
Et que parmi eux, il y ait au moins un qui soit juste,
Pour que tu ne te sentes pas trop sûr de toi...

Je te souhaite aussi que tu sois utile,
Mais point irremplaçable. Et que dans les mauvais moments,
Quand il ne te restera plus rien,
Que cette utilité t’aide à te maintenir debout.

De la même manière, je te souhaite aussi que tu sois tolérant.
Pas avec ceux qui se trompent peu, parce que cela est facile,
Sinon avec ceux qui se trompent beaucoup et inévitablement.
Et que faisant bon usage de cette tolérance,
Que tu serves d’exemple à d’autres.

Je te souhaite qu’étant jeune, tu ne mûrisses point trop vite
Et qu’une fois mûr, que tu n’insistes pas à rajeunir,
Et qu’étant vieux, que tu ne te laisses pas au désespoir.
Parce que chaque âge à son plaisir et sa douleur
Et il est nécessaire de les laisser couler entre nous.

Je te souhaite de ce pas, que tu sois triste.
Pas toute l’année sinon à peine un jour.
Mais que ce jour, tu découvres que le rire journalier est bon,
Que le rire habituel est ennuyeux et que le rire constant est malsain.

Je te souhaite que tu découvres, urgemment, au-delà et malgré tout,
Qu’il existe et t’entourent des êtres opprimés,
Traités avec injustice et des personnes malheureuses.

Je te souhaite que tu caresses un chat,
Que tu donnes à manger à un oiseau
Et que tu écoutes le chardonneret se dresser
Triomphant avec son chant matinal,
Parce que de cette manière, tu pourras te sentir bien pour un rien.

Je souhaites que tu plantes une graine,
Pour plus petite qu’elle soit et que tu l’accompagne dans sa croissance.
Pour que tu puisses découvrir de combien de vies est fait un arbre.

Je te souhaite en plus que tu aies de l’argent,
Parce qu’il est nécessaire d’être pratique.
Et qu’au moins une fois par an,
Tu mettes une partie de cet argent devant toi
Et que tu dises "Ceci est à moi",
Seulement pour tirer au clair qui est maître de qui.

Je te souhaite qu’aucun de tes affectionnés ne meurt.
Mais si l’un d’eux arrive à mourir, que tu puisses pleurer
Sans te lamenter et souffrir sans te sentir coupable.

Je te souhaite enfin qu’étant homme, tu aies une bonne femme.
Et qu’étant femme, tu aies un bon mari.
Demain et après-demain et quand vous soyez épuisés et souriants,
Que vous puissiez parler d’amour pour recommencer. 

Et si toutes ces choses viennent à t’arriver,
Je n’ai plus rien d’autre à te souhaiter...


*Traduction du poème original « Desejo "Os Votos" » de Sergio Jockymann, publié  en 1980 dans le journal « El Jornal  Folha da Tarde, de Porto Alegre-RS » , au Brésil.


lundi 5 décembre 2011

A TOUS LES BONS PARENTS MÉCHANTS…


Un jour, quand mes enfants seront assez vieux, pour comprendre la logique qui motive un parent, je vais leur dire, comme mes parents méchants m'ont dit:

"Je t'ai aimé assez pour te demander où tu allais, avec qui, et quand tu serais de retour à la maison... Je t'ai aimé assez pour être patiente jusqu'à ce que tu découvres que ta nouvelle meilleure amie ou ton grand copain, n'était pas fréquentable....
Je t'ai aimé assez pour me tenir plantée là, dans le cadre de la porte pendant deux heures tandis que tu nettoyais ta chambre, une affaire de 15 minutes en principe…
Je t'ai aimé assez pour te laisser voir la colère, la déception et les larmes dans mes yeux. Les enfants doivent apprendre que leurs parents ne sont pas parfaits.
Je t'ai aimé assez pour te laisser assumer la responsabilité de tes actions même lorsque les pénalités étaient si dures qu'elles ont presque brisé mon cœur.
Mais surtout, Je t'ai aimé assez pour dire "NON" même quand je savais que tu me détesterais pour cela. Telles étaient les batailles les plus difficiles de toutes. Je suis heureuse de les avoir gagnées, parce qu'à la fin, tu y as gagné aussi.

Et un jour, quand tes enfants seront assez vieux pour comprendre la logique qui motive des parents "méchants", tu leur diras : "Vos parents étaient ils méchants?
Les miens l'étaient J'ai eu les parents les plus méchants du monde entier. Pendant que d'autres enfants mangeaient des sucreries pour les repas, j'ai dû manger des céréales, des œufs, et des légumes… […]
Mes parents ont insisté pour savoir où j'étais en tout temps. On aurait pu croire que j'étais enfermée dans une prison. Ils devaient savoir qui mes amis étaient et ce que je faisais avec eux… Ils insistaient si je disais que je serais partie pour une heure, pour que ce soit seulement une heure ou moins…

J'avais honte de l'admettre, mais mes parents ont enfreint la loi sur la protection des enfants concernant le travail en me faisant travailler. J'ai dû faire la vaisselle, mon lit… apprendre à faire la cuisine, passer l'aspirateur, faire mon lavage, vider les poubelles et toutes sortes d'autres travaux cruels.... Je pense qu'ils se réveillaient la nuit pour imaginer de nouvelles tâches à me faire faire...

Ils ont toujours insisté pour que je dise la vérité, juste la vérité et rien que la vérité. Au moment où je suis devenue adolescente, ils pouvaient lire dans mon esprit et avaient des yeux tout autour de la tête. Puis, la vie est devenue vraiment dure…
Mes parents ne laissaient pas mes amis juste klaxonner quand ils venaient me chercher. Ils devaient venir à la porte pour qu'ils puissent les rencontrer. Pendant que chacun pouvait fréquenter un ou une petite amie quand ils avaient 12 ou 13 ans, j'ai dû attendre d'en avoir 16... À cause de mes parents, j'ai manqué beaucoup de choses que d'autres enfants ont expérimentées. Je n'ai jamais été prise pour vol à l'étalage, vandalisme, alcoolisme, ni même arrêtée pour tout autre crime. C'était «tout de leur faute».

Maintenant que j'ai quitté la maison, je suis instruite et une adulte honnête. Je fais de mon mieux pour être un parent méchant comme mes parents l'étaient. Je pense que c'est ce qui ne va pas avec le monde aujourd'hui. Il n'y a pas assez de parents méchants. Merci donc à tous les parents qui ont été assez méchants dans notre jeunesse pour nous apprendre à être de méchantes bonnes personnes…"


*Texte de Stéphanie Chariot-Auchere. Neuropsychologue.

mardi 29 novembre 2011

L'AFRIQUE, UN ECHIQUIER AVEC TOUJOURS LE MÊME GAGNANT.


L’objet de colère de cette semaine, la nouvelle dévaluation du Franc CFA. Je ne sais plus quoi penser, je suis abattue, dégoutée ; J’ai honte que de pareils faiblards nous gouvernent, et bradent ainsi un si beau continent.

Le franc CFA perd près de la moitié de sa valeur. 1euro était égal à 655 FCFA environ ; mais à partir de janvier 2012, 1euro sera égal à 1000 FCFA et vu qu'on exporte beaucoup moins qu'on importe, c’est encore une fois, nous les perdants.

Cette nouvelle dévaluation, par le biais du gain d'importation et de la plus value sur les remboursements des dettes contribuera à réduire considérablement le déficit français. Au lieu de rembourser 655 FCFA pour 1 euro de dette, il nous faudra en rembourser 1000 FCFA. C’est Mr Ouattara que Sarkozy a chargé d’annoncer la nouvelle. Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y a aucun lien avec la destitution, "aidée" par la France, du président ivoirien Gabgbo au profit de leur sous fifre Ouattara, le nouveau Bongo.

On est alors en droit de se demander ce que cache la volonté du président sénégalais Wade de briguer un 3ème mandat (en dépit de la constitution). Est-ce un hasard que la commission qui a décidé de la recevabilité de ce 3ème mandat de Wade, ait été présidé par un juriste français ? Ce n'est pourtant pas ce qui manque au Sénégal. Seul l'avenir nous le dira...

On en arriverait presque à se dire qu'il vaut mieux avoir comme Président un Sarkozy, une Merkel qui se battent quitte à exploiter plus faibles, au profit de leurs pays, souvent sans moralité ni état d'âme comme le veut la politique, plutôt que certains de nos présidents africains qui vendent leurs pays à vil prix pour, entre autres raisons économiques complexes, pérenniser leur mandat présidentiel.

Je ne suis pas naïve, je comprends qu'à la place des pays occidentaux, on ferait pareil. Je ne suis pas une économiste mais je comprends qu'il y a un système à double vitesse, Je comprends qu'en politique, il y a des loups et des agneaux « consentants », mais je ne comprends pas pourquoi les agneaux ne se battent pas pour être aussi des loups...

L’Afrique est le seul échiquier dont les «adversaires » déplacent les pions dans le même sens... avec toujours le même gagnant...



*Texte de Yemi. Y.

http://larmoiredeyaivi.blogspot.com/

dimanche 20 novembre 2011

COMMENT ÉCRIRE SUR L'AFRIQUE.



Un texte ironique de Binyavanga Wainaina, auteur du livre "How to write about Africa? » qui est une critique directe sur l’image que beaucoup d’européens montrent de l’Afrique. L’image que les occidentaux donnent de l’Afrique est une image stéréotypée et basée sur les mêmes réalités péjoratives.

Comment écrire sur l’Afrique et les Africains ? Voici quelques pistes…

Parlez de l'Afrique comme d'un seul pays. Et généralisez, toujours. Employez toujours le mot ‘Afrique’ ou ‘Obscurité’ ou ‘Safari’ pour votre titre. […]
Pas d’image d’Africain sur la couverture de votre livre ou à l’intérieur, à moins que cet Africain ait gagné le Prix Nobel. Un AK-47, des seins nus, voilà ce que vous devez utiliser. Si vous devez inclure un africain, assurez-vous que vous prenez un Massai ou un Zoulou. […]

Traitez l’Afrique comme si c’était un seul pays. Et généralisez, toujours. C’est chaud et poussiéreux… avec de grands troupeaux d’animaux, des personnes minces, qui meurent de faim. Ou alors c’est chaud et humide avec des gens courts qui pratiquent l’anthropophagie. Ne vous emmêlez pas dans des descriptions précises. L’Afrique est grande : 54 pays, 900 millions d’habitants qui sont très occupés, confrontés à la famine, qui meurent, qui se battent et qui émigrent pour lire votre livre.

Le continent est plein de déserts, de jungles, de régions montagneuses, de savanes et de beaucoup d’autres choses, mais votre lecteur ne fait pas attention à tout cela, alors gardez vos descriptions romantiques.... Assurez-vous que vous démontrez combien les Africains possèdent du rythme et de la musique dans leurs âmes et qu’ils mangent des choses que d’autres humains ne mangent pas. Ne mentionnez pas le riz, le bœuf et le blé ; Dites plutôt que le cerveau du singe est le choix privilégié de la cuisine africaine, en plus de la chèvre, du serpent, du ver, des larves… Assurez-vous de démontrer que vous avez été capable de manger une telle nourriture sans tressaillir et n’oubliez pas d’expliquer comment vous avez appris à l’apprécier, simplement parce que vous aimez l’Afrique.

Sujets tabous: Les scènes domestiques ordinaires ; L’amour entre africains, à moins que cela n’ait à voir avec la mort ; Les références aux écrivains et intellectuels africains ; le fait de mentionner des enfants allant à l’école qui ne souffrent pas de ballonnement, de fièvre Ebola ou de mutilation sexuelle.
Dans tout le livre, adoptez une voix douce, en complicité avec le lecteur et un ton triste. Très tôt faites en sorte que votre libéralisme soit impeccable et mentionnez vers le début combien vous aimez l’Afrique, combien vous êtes tombé amoureux de ce lieu et que … l’Afrique est le seul continent que vous pouvez aimer. […]

Quel que soit l’angle que vous prenez, soyez sûr de laisser la forte impression que sans votre intervention et votre important livre, l’Afrique est vouée à l’échec.
Vos personnages africains peuvent être des guerriers nus, des fidèles serviteurs, des devins… ou des politiciens corrompus, des polygames ineptes, des guides de voyage et des prostituées qui ont couché avec vous. Le fidèle serviteur se comporte toujours comme un enfant de 7 ans et a besoin d’une main ferme, il a peur des serpents, il est bon avec les enfants, et il vous implique toujours dans son drame domestique complexe. […]

Parmi vos personnages vous devez toujours inclure l’Afrique qui meurt de faim, qui vagabonde dans un camp de réfugiés, presque nue et qui attend la bienveillance de l’Occident. Ses enfants ont ouvert leurs paupières et leurs ventres ballonnées, mais ses seins sont vides et plats. Elle doit paraître comme une femme complètement impuissante qui ne peut avoir un passé, ni une histoire. De telles diversions ruinent le moment dramatique. Les gémissements sont bons. Elle ne doit jamais dire quelque chose sur elle-même dans un dialogue, excepté parler de son indescriptible souffrance.
Soyez aussi sûr d’inclure une chaleureuse et maternelle femme qui a le sourire et qui se soucie de votre bien-être. Appelez-la ‘Maman’. Ces personnages doivent bourdonner autour de votre principal héros, le rendant fascinant.

Votre héros peut les enseigner, les nourrir… Votre héros c’est vous ou une belle et tragique célébrité internationale si c’est un reportage, ou un aristocrate qui sait prendre soin des animaux si c’est une fiction.

Les grands coups de brosse sont bons. Evitez d’avoir des personnages africains souriant et luttant pour éduquer leurs enfants. […] Les personnages africains devraient être pittoresques, exotiques, plus larges que la vie mais vides à l’intérieur : pas de dialogue, pas de conflits ou de résolutions dans leurs histoires, pas de profondeur… Cela porterait préjudice à la cause.

Décrivez en détail les seins nus de jeunes, vieux, conservatrices, récemment violées, gros, petits ou des gens ayant subi des mutilations génitales... Et n’oubliez pas de parler aussi des cadavres. Ou mieux des cadavres nus. Non, encore mieux, des cadavres pourrissants. Rappelez-vous que écrit dans lequel les africains paraissent grossiers et misérables, sera appelée « La vraie Afrique » . Il ne faut pas avoir mal au cœur à propos de cela : vous êtes en train d’essayer de les aider à avoir le soutien de l’Occident.
Le plus grand tabou en écrivant sur l’Afrique c’est de décrire, de montrer des Blancs morts ou des Blancs qui souffrent.

D’autre part, les animaux doivent être traités comme des personnages complexes. Ils parlent (ou grognent pendant qu’ils redressent fièrement leurs crinières) et ont des noms, des ambitions et des désirs. Ils ont aussi des valeurs familiales : regardez comment les lions enseignent leurs petits, les éléphants sont très attentifs et des dignes patriarches. Les gorilles aussi.  Les lionnes, de bonnes féministes. Il ne faut jamais dire quelque chose de négatif à propos d’un éléphant ou d’un gorille. Les éléphants peuvent attaquer les maisons, détruire les plantations et même tuer des personnes. Soyez toujours du côté de l’éléphant…

Tout Africain, surtout de petite taille, vivant dans la jungle ou dans le désert, peut être photographié, sourire aux lèvres, à moins qu’il ne soit en conflit avec un éléphant, un chimpanzé ou un gorille, dans ce cas, il est un pur diable. […]

Les lecteurs seront désintéressés si vous ne mentionnez pas la lumière en Afrique. Et les couchers du soleil. Le coucher du soleil africain est une obligation c’est toujours gros et rouge. Il y a toujours un grand soleil…

L’Afrique, c’est la terre avec de larges espaces vides. Lorsque vous écrivez sur la situation critique de la flore et de la faune, assurez-vous que vous mentionnez que l’Afrique est surpeuplée. Lorsque votre principal personnage est dans un désert ou dans la jungle, vivant avec les Indigènes (toute personne courte), c’est bon de mentionner que l’Afrique a été sévèrement dépeuplée par le SIDA et la Guerre. Utilisez les lettres en majuscules).

…Terminez toujours votre livre par Nelson Mandela en disant quelque chose sur les arcs-en-ciel ou les renaissances. Parce que cela vous préoccupe.


*Binyavanga Wainaina est le rédacteur en chef, fondateur du magazine littéraire KWANI. Cet article est extrait de la dernière édition de Granta.  http://www.kwani.org/

 

jeudi 17 novembre 2011

DISCOURS D'ADIEU DE BEHANZIN.


« Compagnons d'infortune, derniers amis fidèles, vous savez dans quelles circonstances, lorsque les Français voulurent accaparer la terre de nos aïeux, nous avons décidé de lutter.

Nous avions alors la certitude de conduire notre armée à la victoire. Quand mes guerriers se levèrent par millier pour défendre le Danhomè et son roi, j'ai reconnu avec fierté la même bravoure que manifestaient ceux d'Agadja, de Tégbessou, de Ghézo et de Glèlè. Dans toutes les batailles j'étais à leurs côtés.

Malgré la justesse de notre cause, et notre vaillance, nos troupes compactes furent décimées en un instant. Elles n'ont pu défaire les ennemis blancs dont nous louons aussi le courage et la discipline. Et déjà ma voix éplorée n'éveille plus d'écho.

Où sont maintenant les ardentes amazones qu’enflammait une sainte colère ? Où, leurs chefs indomptables : Goudémè, Yéwê, Kétungan ? Où, leurs robustes capitaines : Godogbé, Chachabloukou, Godjila ? Qui chantera leurs splendides sacrifices ? Qui dira leur générosité ?

Puisqu’ils ont scellé de leur sang le pacte de la suprême fidélité, comment accepterais-je sans eux une quelconque abdication ? Comment oserais-je me présenter devant vous, braves guerriers, si je signais le papier du Général ?

Non ! A mon destin je ne tournerai plus le dos. Je ferai face et je marcherai. Car la plus belle victoire ne se remporte pas sur une armée ennemie ou des adversaires condamnés au silence du cachot. Est vraiment victorieux, l'homme resté seul et qui continue de lutter dans son cœur. Je ne veux pas qu'aux portes du pays des morts, le douanier trouve des souillures à mes pieds. Quand je vous reverrai, je veux que mon ventre s'ouvre à la joie. Maintenant advienne de moi ce qui plaira à Dieu ! Qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur la terre ?

Partez vous aussi, derniers compagnons vivants. Rejoignez Abomey où les nouveaux maîtres promettent une douce alliance, la vie sauve et, paraît-il, la liberté. Là-bas, on dit que déjà renaît la joie. Là-bas, il paraît que les Blancs vous seront aussi favorables que la pluie qui drape les flamboyants de velours rouge ou le soleil qui dore la barbe soyeuse des épis.

Compagnons disparus, héros inconnus d'une tragique épopée, voici l'offrande du souvenir : un peu d'huile, un peu de farine et du sang de taureau. Voici le pacte renouvelé avant le grand départ.
Adieu, soldats, adieu !...

Guédébé...reste debout, comme moi, comme un homme libre. Puisque le sang des soldats tués garantit la résurrection du Danhomè, il ne faut plus que coule le sang. Les ancêtres n'ont plus que faire de nos sacrifices. Ils goûteront mieux le pur hommage de ces cœurs fidèles unis pour la grandeur de la patrie. C'est pour quoi j'accepte de m'engager dans la longue nuit de la patience où germent des clartés d'aurore. Guédébé, comme le messager de la paix, va à Ghoho où campe le général Dodds. Va dire au conquérant qu'il n'a pas harponner le requin. Va lui dire que demain, dès la venue du jour, de mon plein gré, je me rends au village de Yégo. Va lui dire que j'accepte, pour la survie de mon peuple, de rencontrer dans son pays, selon sa promesse, le président des Français. »

extrait de - Kondo le requin - Jean PLYA - Ed. CLE

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PLAIDOYER POUR UNE "ÉMIGRATION CHOISIE."

Lorsqu’on a eu la chance de partir à l’étranger et d’y séjourner pendant au moins une année, on a forcément quelque chose à partager avec les « Gens de la Cité » : l’expérience, les difficultés rencontrées et les bénéfices tirés de ce séjour.
C’est dans cette optique de partage d’expérience que je fus invité à une émission radiophonique sur une des radios béninoise, afin que je puisse parler de mon expérience de l’Europe et donner des conseils aux nombreux jeunes africains qui ont la volonté de tenter l’expérience. Je vous livre ici, afin de partager mes conseils avec le plus grand nombre, la substance de mes interventions.
Avant tout propos sur une « émigration choisie », il convient de faire une typologie, c’est-à-dire une catégorisation des jeunes migrants. Il existe plusieurs catégories de jeunes qui partent à l’étranger, notamment en Europe car c’est le cas dont je peux parler parce que je connais bien l’Europe :
1)                           Première catégorie : Jeunes dont les parents financent le voyage et le séjour (une bourse parentale donc). Ils émigrent dans le but de poursuivre leurs études, suivre une formation ou effectuer un stage. Pour qu’ils puissent vivre dans de bonnes conditions, il faut que les parents leur envoient chaque mois 487 euros au moins (soit près de 1600 euros en valeur réelle indexée sur le coût de la vie en Afrique).
2)                           Deuxième catégorie : Jeunes qui partent d’eux-mêmes pour poursuivre leurs études ou tout simplement pour « aller en aventure ». Ils se sont constitués un capital de départ (bourse personnelle) plus ou moins consistant. Dans tous les cas, ce « petit capital » correspond, à peine, au montant nécessaire pour vivre six mois sans rémunération salariale, soit 2.750 euros (soit plus de 9000 euros indexés sur le coût de la VIE). Ces jeunes migrants espèrent trouver un travail dans les six mois pour subvenir à leurs besoins. Leur vie dépend donc d’un aléa. « L’aventure » commence lorsque l’aléa ne se réalise pas ; ils n’ont pas pu décrocher le « fameux boulot » qui devait les sauver avant l’épuisement de leur capital de départ.
3)                           Troisième catégorie : Les « Clandestins ».Ce sont les jeunes qui partent normalement effectuer un court séjour (inférieur à trois mois) pour du tourisme, une visite privée ou pour des échanges sportifs ou culturels. Ces jeunes « refusent » de rentrer au terme du séjour et préfèrent « tenter leur chance » en Europe. Leur titre de séjour expirant, ils deviennent des « sans papiers », donc la proie facile des « marchands de sommeil » et des réseaux mafieux (prostitution, drogue, travail au noir, etc.)
De cette typologie, je peux retenir, avec vous chers amis lecteurs, que pour vouloir émigrer en Europe, il faut avoir un motif (étude, formation, séjour privé…), des revenus et un logement (résidence universitaire, chambre chez l’habitant, studio ou appartement en ville…).
Une fois que ces trois critères cumulatifs (Administratif+Financier+Fiscal) sont satisfaits l’émigration d’un jeune a plus de chance de déboucher sur une réussite.
Beaucoup de jeunes africains après l’émission se sont rapprochés de moi et m’ont rapporté que malgré la satisfaction de ces trois critères cités ci-dessus, l’émigration des jeunes ne débouche pas sur un succès car la société européenne, en général, et la société française, en particulier, est très raciste et que ce racisme frappent spécifiquement les « jeunes africains » (Noirs et Maghrébins).
Je leur réponds, en me basant sur mes observations participantes et sur mon expérience personnelle, qu’il n’y pas de racisme en France, ni en Italie, ni en Allemagne (pour les trois pays que j’ai parcourus).
Il y a juste une sélection très rigoureuse. J’ai mené, dans le cadre d’une recherche en sociologie appliquée, une étude en 2005 à Grenoble ; une étude statistique dont les données révèlent que les immigrés cumulent les difficultés.
Ils sont souvent cantonnés dans des « cités » insalubres ; la promiscuité ne leur permet pas de faire de grandes études. Alors il ne reste que le ménage, le « garçon de courses » (livreur) ou le gardiennage comme travail accessible, avec difficultés.
Il y a, en France notamment, une sélection rigoureuse, et, comme les immigrés sont souvent cantonnés dans les catégories socioprofessionnelles (CSP) inférieures, ils ont l’impression qu’on leur en veut, qu’il y a du racisme à leur égard. Eh bien non !
Je peux en témoigner, moi qui ai réussi à créer une entreprise en France ; et pourtant je suis un Africain comme eux ! Il s’agit en l’occurrence, de convaincre : convaincre les investisseurs (associés) ; convaincre les banques que vous avez la capacité de gérer l’entreprise et de la pérenniser ; convaincre le peuple français que le projet est bien fondé et bénéfique pour la cité ; convaincre les corporations avec ses qualifications. Et enfin obtenir le soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie, sans qui aucun projet de création d’entreprise ne saurait aboutir (formations+conseils+formalités).
Les partenaires professionnels français ne tiennent pas compte de la couleur de la peau, mais plutôt de validité du projet et de sa pertinence, ainsi que de la force de conviction avec laquelle l’entrepreneur présente son projet et de ses atouts et talents pour le concrétiser.
Les immigrants doivent sortir des « communautés » et essayer d’étudier la société française pour apprendre à la connaître et pouvoir s’y intégrer. Là je prends l’exemple français car je le connais mieux que les autres pays. Il faut connaître les caractères de la société.
La société française est basée sur les CSP/PCS (professions et catégories sociales) assez rigides, liées à la profession et à la famille. Il existe une certaine mobilité sociale basée sur les diplômes ou le mariage. Dans cette catégorisation rigide, il n’y a apparemment  pas de place pour les étrangers qui sont « sans classe » ou dans les basses classes (souvent étudiants) à leur arrivée.
Deux éléments leur permettent de trouver une place dans la société française et d’être ainsi « classés » : le mariage ou des études supérieures.  Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’acquisition de la nationalité française qui détermine leur classement dans les CSP. Car avec la nationalité française ils ont enfin accès à un « vrai statut » : ils deviennent enfin des « citoyens » cessant désormais de se mouvoir « entre deux bannières ». Ils ont alors « droit » (avec les devoirs qui vont avec ; donc il faut être un responsable) à un logement décent et à un travail plus valorisant, puisqu’ils sont « qualifiés ».
C’est pour éviter ces difficultés liés à l’intégration des étrangers dans la société française que la nouvelle politique française « immigration choisie » a été lancée par le Président SARKOZY. Cette politique a pour but de : restreindre la part du regroupement familial ; favoriser la migration des jeunes qualifiés ayant un certain profil ; et favoriser leur intégration et l’acquisition de la nationalité, le « but ultime » de toute démarche d’expatriation hors de son territoire de naissance.
Les profils recherchés sont les jeunes qualifiés (informaticiens, techniciens, infirmières, ingénieurs, chercheurs…) et les ouvriers (restauration, bâtiment, services à domicile, aide aux personnes âgées et aux handicapés).
Désormais, l’accueil et l’intégration des étrangers passent par un service unique de l’Etat français : l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Ce n’est plus l’Office des migrations internationales (OMI) comme dans le passé, car maintenant la dimension « intégration » tient beaucoup à cœur au Gouvernement Français ayant pris conscience des nombreux problèmes que rencontrent les « étrangers ». A défaut d’être « carrément » des Français, les étrangers doivent désormais orienter leur « émigration » dans le sens d’un établissement durable sur le territoire français, avec une préférence notable pour la première proposition (acquisition de la nationalité française). Sinon, à quoi bon !
Je pourrais donner comme conseils aux jeunes qui sont tentés par « l’aventure européenne » de déterminer d’abord s’ils rentrent dans ces profils, ou s’ils disposent d’une bourse parentale conséquente. Voici mes conseils. Je dirais aux jeunes de :
Eviter les aléas. Ne pas partir dans l’espoir de trouver un travail ou de rencontrer une française, se marier avec elle pour « avoir les papiers ».
Avoir un vrai projet. Que vais-je faire ? Combien d’années vais-je rester ? Que vais-je faire à la fin de cette planification première ?
Eviter de se cantonner exclusivement à la communauté noire. Il faut s’intégrer à la société française en évitant de reproduire Abidjan-sur-Seine, Dakar-sur-Rhône, Bamako-en-Gironde.
 Aller à la rencontre des Français et de ceux qui ont déjà réussi l’expérience.
Je me dois de rappeler aux jeunes que les étrangers vivent en Europe dans des conditions difficiles mais c’est vraiment très formateur d’avoir fait au moins une fois, cette formidable expérience qu’est le séjour à l’étranger. J’exhorte les jeunes africains à ne pas partir en Europe « chercher leur bonheur » dans l’eldorado français, belge ou allemand. Car le bonheur qu’ils recherchent peut être trouvé en Afrique. S’ils doivent émigrer, partir pour l’Europe, il faudrait que ce soit pour un « motif valable » en ayant en main un projet bien mûri, bien planifié et qu’ils se donnent tous les moyens de le mener à bout. Il faut qu’ils soient vraiment à la hauteur.
En définitive, vous conviendrez avec moi, chers amis lecteurs, que l’eldorado n’est pas forcément ailleurs et que l’on peut créer son bonheur quelque soit l’endroit où l’on se trouve. Cependant, je conseille à ceux qui en ont les moyens, ou ceux qui ont fait leur « choix fondamental », d’aller vivre cette formidable expérience qu’est l’émigration, pour construire leur vie sous d’autres cieux plus accueillants, plus propices à l’épanouissement de leur personnalité.

Par Rock-Maxime YEYE-DELAGARDE site: http://www.etre-leader.fr